Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Crise économique du coronavirus : comment en sortir sans expert-comptable ? La réponse est simple : c’est impossible !

Trois entreprises françaises sur quatre font appel à un expert-comptable ; trois quarts des acteurs économiques français font confiance à notre profession. Je rappelle en effet, afin que nos gouvernants l’aient bien en tête, que notre profession représente en France 21 000 professionnels,
130 000 collaborateurs au service d’environ 3 millions d’entreprises et associations clientes. Cela est suffisamment significatif pour me permettre de m’exprimer sur l’importance du rôle des experts-comptables dans cette crise, sur les mesures prises par le Gouvernement ou les annonces présidentielles et formuler des propositions pour sauver notre économie.

Depuis un mois, la France mène deux combats en parallèle.

Le premier, sanitaire, contre le Coronavirus ; combat que les professionnels de santé livrent avec un courage et une abnégation qui méritent le plus profond respect et la plus grande admiration.

Le second, dont l’ampleur considérable est croissante, contre une crise économique inévitable. Ce combat, il est mené par les experts-comptables, soldats inconnus de cette guerre, moins visibles, mais qui sont en première ligne au côté des dirigeants d’entreprises. Je déplore qu’à aucun moment ni le chef de l’État, ni le Gouvernement, ni les pouvoirs publics ne leur en aient été reconnaissants. Ignorance ou mépris ? Peu importe…

Pourtant, sans les experts-comptables, la crise économique qui s’est amorcée depuis quelques semaines aurait déjà été bien pire ! Car les experts-comptables sont l’interface, la courroie de transmission entre les entreprises et l’administration. Ils sont le rouage essentiel de l’économie. Sans les experts-comptables, les dispositifs adoptés seraient totalement inopérants.

C’est pourquoi, je souhaite officiellement exprimer ma gratitude et adresser mes plus vives félicitations à mes consœurs et confrères d’Aquitaine et d’ailleurs pour leur dévouement et leur engagement. 

Je salue tout particulièrement les collaborateurs de nos cabinets, notamment nos équipes sociales et comptables qui sont sur le pont aux côtés des chefs d’entreprises et éprouvées depuis plus d’un mois. Ils assurent sans relâche les missions récurrentes d’accompagnement des entreprises auxquelles se sont ajoutées bon nombre de missions exceptionnelles liées à la crise. Tout cela se produit pendant LA période de l’année habituellement la plus complexe et la plus mobilisatrice pour notre profession : celle des déclarations fiscales.

Heureusement que notre profession est vaillante ! Elle est vaillante mais elle est aussi lasse et exaspérée ! 

Lasse de ne pas être reconnue à sa juste valeur et d’être considérée comme une simple profession exécutante des décisions gouvernementales dépourvues de pragmatisme.

Lasse de devoir chaque jour organiser une veille des nouveaux dispositifs, dont la plupart se révèlent provisoires, toujours plus complexes et parfois en contradiction avec les annonces de la veille.

Lasse de devoir quémander sans cesse des mesures de bon sens comme le nécessaire report de délais des déclarations fiscales et sociales. Il a fallu attendre le 17 avril pour que cette demande soit partiellement entendue. Pourtant, ces délais sont nécessaires pour sécuriser l’assiette fiscale et donc les ressources de l’État. Ces délais sont nécessaires pour éviter le double travail de la part des entreprises, des agents de l’administration et de nos équipes. Ces délais sont nécessaires pour ne pas aggraver encore plus une situation économique désastreuse et dramatique que nous sommes en train de vivre.

Après un mois d’observation et de constats, il est temps de tirer quelques leçons. La première leçon est de miser sur la confiance qui mène à la croissance. Le Gouvernement a la hantise du fraudeur et adopte des textes alambiqués pour les contrer. À ses yeux, les entrepreneurs sont des fraudeurs potentiels. C’est ce qui le conduit à mettre en place des dispositifs stricts, complexes et imprécis. L’expérience de ces quatre premières semaines démontre que ces dispositifs fonctionnent mal car ils sont pris dans un esprit de défiance.

Nous constatons chaque jour un décalage consternant entre les discours prometteurs relayés dans les médias et les modalités pratiques semées de nombreuses conditions exigées par une administration tatillonne. C’est une source de confusion. Dans ces conditions, plus que jamais, la réglementation est flottante. 

On ne peut soutenir l’économie et les entreprises qui la composent sans lever leurs contraintes et fuir la lourdeur administrative. Il faut du bon sens et du pragmatisme dans les dispositifs ! La rigidité et la complexité ont toujours été des freins au développement économique. Aujourd’hui, dans un contexte de crise, elles sont les catalyseurs des difficultés des entreprises, voire de leur défaillance. Notre profession prône depuis longtemps le recours à la simplicité, à la souplesse et surtout à la confiance du Gouvernement envers les acteurs économiques. Nous invitons donc les pouvoirs publics à revoir leur copie pour adopter des mesures simples et efficaces basées sur la confiance dans le respect de l’esprit de la loi ESSOC (un État au service d’une société de CONFIANCE !). C’est le moment de faire preuve des bonnes intentions affichées dans cette loi adoptée depuis plus d’un an et demi.

La deuxième leçon est de prendre des mesures à la hauteur de la situation. Débloquer des fonds, même considérables ou décaler certaines charges ne suffit pas. Ce sont des conditions nécessaires pour maintenir les entreprises sous respiration artificielle mais pas suffisantes pour les guérir. Il faut aussi accepter d’assumer certaines pertes exceptionnelles liées à la crise. À ce jour, les aides octroyées sont sous-dimensionnées. Un prêt, même garanti par l’État, n’est pas un produit, c’est une dette que l’entreprise devra un jour ou l’autre rembourser. Or, depuis un mois, les entreprises sont exsangues. Elles accumulent des charges auxquelles s’ajoutent celles qui sont décalées et qu’elles devront payer à la sortie de la crise alors qu’elles n’auront réalisé pour certaines d’entre elles aucun chiffre d’affaires. Il faut arrêter de leurrer les entreprises.

Aussi, nous appelons les parlementaires et le Gouvernement à apporter un soutien réel, adapté et d’application directe aux entreprises. Il s’agit non pas de reporter des échéances mais tout simplement de les annuler.

La troisième leçon est de faciliter l’intervention des partenaires de l’entreprise en facilitant leur intervention. Par exemple, s’agissant des experts-comptables, ils sont tous mobilisés depuis le 16 mars 2020, malgré l’urgence, pour organiser leurs cabinets, protéger leurs collaborateurs tout en répondant aux nombreuses sollicitations et inquiétudes légitimes de leurs clients.

Depuis le début de cette crise, nous savons qu’il est indispensable de permettre la continuité des activités économiques tout en respectant strictement les consignes de protection de la santé de nos collaborateurs. Pour cela, nous mettons en œuvre notre vision à long terme, notre esprit rationnel et notre sang froid. Cependant, non seulement nous assurons pour nos clients notre mission récurrente d’accompagnement dans des conditions complexes et ne faisant l’objet de quasiment aucune tolérance de l’administration, mais nous répondons de surcroît à leurs demandes exceptionnelles dans un contexte de crise. Nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie pour répondre à ces besoins et pour nous adapter à cette situation. N’oublions pas que les experts-comptables sont également des chefs d’entreprises, eux-mêmes impactés par la crise. À aucun moment, les pouvoirs publics n’ont facilité notre intervention ou notre exercice professionnel pour accompagner correctement nos clients. Le savoir-faire de notre profession réside, en temps normal, dans le décryptage des dispositifs complexes applicables aux entreprises. Il est malmené en cette période où les informations sur les mesures d’urgence sont nombreuses et parfois contradictoires. Les entreprises, déjà assommées par les mesures de confinement ou de fermeture administrative, sont perdues, étouffées.

La principale erreur de nos gouvernants est de ne pas consulter notre profession pour trouver immédiatement les bonnes solutions pour sortir de cette crise économique. Nous les appelons à faciliter l’accom-
pagnement des entreprises par les professionnels et partenaires qui les connaissent et sont en proximité immédiate avec elles. Nous les appelons à écouter et à respecter ces professionnels et partenaires au lieu de les ignorer. Les experts-comptables sont des professionnels compétents, expérimentés et passionnés. Ils ont la valeur du service chevillée au corps et continueront à accompagner leurs clients TPE/PME pour leur permettre de surmonter cette épreuve, reprendre et poursuivre leurs activités dans les meilleures conditions.

Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables d’Aquitaine
28 rue Ferrère, BP 81
330125 Bordeaux Cedex
www.oec-aquitaine.fr

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